Retour sur la vie du navigateur Michel Desjoyeaux
Dans son patronyme, il y a les mots « joy » et « eaux ». Si les noms ont une portée prémonitoire alors lui, Michel Desjoyeaux, en est l’un des plus beaux exemples. À voguer en solitaire sur toutes les mers du monde depuis des années, il a trouvé sa joie.
Dans la vasière de Port-La-Forêt
Celui qui deviendra «le Professeur » naît le 16 juillet 1965 à Concarneau, dernier d’une fratrie de sept enfants. Concarneau, c’est l’île-cité de la Bretagne. Ce sont la mer, le port de pêche et les chantiers navals. D’ailleurs son père, Henri Desjoyeaux, travaille dans un chantier naval : il construit des chalutiers.
Henri Desjoyeaux est un modèle pour le fils. Résistant durant la Seconde Guerre mondiale, il est fait de l’étoffe des héros. Il a contribué à fonder l’école de voile Les Glénans en 1947 qui va populariser la pratique de la voile en France. Puis, il décide d’installer une entreprise de gardiennage et de réparation de bateaux dans la vasière de Kerleven, connue aujourd’hui sous le nom de Port-La-Forêt. Il y édifie un hangar, une maison et une famille.
Les Desjoyeaux se sentent un peu isolés dans cette contrée reculée, car les voisins les plus proches sont situés à environ 3 kilomètres. Le petit Michel n’ira à l’école qu’en CM2. Qu’importe, il passe son temps libre à dessiner des navires et élaborer des maquettes.
Une passion pour la technologie
Au fur et à mesure, les affaires de son père prospèrent et des centaines de bateaux de plaisance viennent accoster à Port-La-Forêt. C’est ainsi qu’il rencontre en 1983 Roland Jourdain venu y restaurer son bateau en vue de la Mini-Transat. Attentif, il observe la structure du voilier et s’émerveille. Finis les gribouillages et les maquettes, il a face à lui un bateau, un vrai. Il le dira lui-même plus tard, il est devenu marin parce qu’il aime la technologie. Et quoi de mieux pour vérifier si tout est bien rodé que de tester soi-même la mécanique…
À 20 ans, Michel Desjoyaux embarque comme équipier sur un maxi-catamaran mené par Philippe Jeantot pour la course à l’Europe. La même année, il est recruté avec son ami Roland Jourdain pour une course autour du monde lors de la Withbread 1985/866, à bord de « Côte-d’Or ». C’est la première rencontre entre l’élève et le maître : le recruteur s’appelle Éric Tabarly…
À Port-La-Forêt, Hubert Desjoyeaux, son frère, décide de créer avec des amis une société de construction de Formule 40, la première génération de multicoques. Michel Desjoyeaux est toujours aussi passionné par le bricolage et les innovations technologiques. Alors naturellement, il participe au circuit de ces trimarans de 40 pieds en tant que tacticien et en 1989, il remporte la Selection Skipper Elf. Grâce à cette victoire, il se voit attribué un voilier et un budget pour participer à la Solitaire du Figaro.
La solitude lui va si bien…
Pour sa première participation à la Solitaire du Figaro, Michel Desjoyeaux est 4e. Il récidive en 1991 où il termine 2e. Enfin, la consécration survient en 1992 où il gagne la prestigieuse course. 1992, c’est aussi l’année où, en compagnie de Jacques Caraës, il remporte la Transat AG2R. C’est une exception, car il aime courir en solitaire. Après tout, la solitude est aussi une bonne compagne.
En 1998, il est de nouveau vainqueur de la Solitaire du Figaro en remportant deux étapes sur quatre. Puis en 2 000, il s’élance pour le prestigieux Vendée Globe où il termine premier, réalisant son tour du monde en solitaire au bout de 93 jours, 3 heures et 53 minutes. Un record qui ne sera battu qu’en 2004 !
Néanmoins, sa performance se voit éclipsée par une sirène venue de Grande-Bretagne : elle n’a que 24 ans, elle s’appelle Ellen MacArthur et elle a terminé la course juste derrière lui. Les médias, charmés par son exploit, s’emparent de l’histoire de la belle et Michel Desjoyeaux est mis un peu en retrait. Le même phénomène se reproduit quand en 2002, il remporte la Route du Rhum dans la catégorie Multicoque. Ellen MacArthur, elle, est gagnante en monocoque. De nouveau, la jeune Anglaise est portée aux nues et on oublie encore un peu la vaillance du marin solitaire.
Qu’importe, il revient en multicoque en 2004 pour une autre fameuse course : la Transat Anglaise. En tant que vainqueur, il établit un nouveau record de l’épreuve en 8 jours 8 heures 29 minutes et 55 secondes. Il a le plus beau palmarès des courses en solitaire. Un palmarès auquel il appose une 3ème victoire à la Solitaire du Figaro en 2007 et un 2e titre à l’édition 2009 du Vendée Globe.
« Le Professeur Michel »
Toute le long de sa carrière, Michel Desjoyeaux reste fidèle à sa passion pour la technologie. D’ailleurs, il est le premier navigateur à adopter la quille basculante sur un bateau de course.
Il est également une personnalité attachante, disponible et prompte à partager ses conseils et ses connaissances. L’élève d’Éric Tabarly est devenu « le Professeur ». L’État le récompense en 2005 de la Légion d’Honneur.
Il dit souvent qu’on est plus intelligent à plusieurs. On le croit volontiers, surtout venant du plus célèbre des solitaires…