Le Radeau de la Méduse : délire d’artiste ou réalité ?
Le naufrage …
Le 2 juillet 1816, par temps clair, Duray de Chaumareys, commandant de l’une des plus belles frégates de la flotte française, échoue La Méduse sur le banc d’Arguin à 3 miles nautiques à peine des côtes mauritaniennes, alors que les autres frégates plus prudentes naviguent plus au large.
Chaumareys, qui n’avait pas navigué depuis 25 ans, affiche un profond mépris envers ses subordonnées, voire refuse d’entendre les avis des marins beaucoup plus expérimentés que lui, qui l’avaient mis en garde sur les nombreux bancs de sable de la région.
La Machine
Après 6 jours de vaine agitation pour faire bouger la Méduse, on décide d’évacuer en donnant priorité aux hauts fonctionnaires ; les canots sont remplis mais il reste encore 151 personnes à bord …
Un radeau de 20m x 7m, La Machine, est construit pour transporter les bagages et accessoirement les personnes restantes ; il suffit de relier le radeau à une chaloupe par un cordage et d’amener tout le monde sur la terre ferme à seulement 5 kms. Les 151 personnes embarquent, priées de rester debout serrées les unes contre les autres par manque de place, avec de l’eau jusqu’aux genoux.
Quelques heures durant, même si la mer est agitée et la situation inconfortable, l’épave de la Méduse s’éloigne et l’espoir subsiste … jusqu’à ce qu’on se rende compte que l’amarre a été tranchée et que le radeau n’est plus tracté … Le courant emporte le radeau vers le large. Il n’y a pas assez de place. Tout le monde ne peut pas s’asseoir. Le plancher est glissant. Le radeau épouse la forme des vagues. Dès les premières heures, de nombreux passagers passent par-dessus bord et se noient. Le lendemain, les naufragés se battent entre eux. Certains souhaitent se saborder, afin de hâter leur fin et d’éviter des souffrances inutiles. Au matin, 63 passagers manquent à l’appel. La faim les tenaille, malgré les poissons attrapés. La soif est étanchée par les réserves de vin embarquées, mais celles-ci ne durent que quelques jours. Au quatrième jour, tiraillés par la faim, ils mangent les cadavres des hommes décédés et boivent un mélange d’eau salée et d’urine. Les blessés sont peu à peu jetés à la mer, afin d’économiser les ressources.
Le 17 juillet 1816, les 15 survivants aperçoivent une voile à l’horizon. Il s’agit de l’Argus, envoyé par Chaumareys, dont le but est de récupérer, à bord de la Méduse, un coffre contenant 90.000 francs en pièces d’or et d’argent. Heureusement pour les rescapés, l’Argus les aperçoit et les repêche. 10 survivront finalement.
On essaye d’étouffer l’affaire mais … non ! M. de Chaumareys sera jugé au conseil de guerre : il sera rayé de la liste des officiers de la Marine (un minimum !) et condamné à 3 ans de prison, seulement … Trois ans plus tard, Géricault peignait son œuvre magistrale de 7m x 5m après s’être fait conter la tragédie par les survivants.