Éric Tabarly, icône de la navigation française
Né le 24 juillet 1931 à Nantes et décédé le 13 juin 1998 au large des côtes galloises, Éric Tabarly est considéré comme l’un des plus grands navigateurs du XXe siècle.
Familiarisé avec la navigation dès son plus jeune âge, c’est à bord d’un cotre familial de 9 m, baptisé « Annie », que le petit Éric fait ses premières sorties en mer. Sa véritable passion, il l’embrasse dès l’âge de 7 ans, lorsque son père, Guy Tabarly, rachète un modèle Pen Duick (signifiant « petite tête noire ») pour remplacer Annie mise en vente. Le vieux yacht, dont l’architecture est signée William Fife III, avait été laissé à l’abandon par ses anciens propriétaires, car son entretien coutait très cher. La relation que développera Éric vis-à-vis de ce voilier datant de 1898 sera quasi fusionnelle et dictera les grandes lignes de sa formidable vie.
Le jeune Tabarly appréciera de pouvoir naviguer en famille à bord de ce bateau mythique pendant deux étés seulement, avant que la 2e guerre mondiale éclate et relègue Pen Duick dans une vasière de Bénodet, dans le Finistère. Le voilier sera alors désarmé pendant 6 longues années, avant d’être réarmé à la Trinité sur Mer, durant l’été 1946.
Éric et son Pen Duick
En 1952, Guy Tabarly cède Pen Duick à son fils qui, à 21 ans, rêve déjà d’exploits en mer. Pour financer ses projets et la réfection de son yacht, Éric s’engage dans la Marine nationale et devient pilote dans l’aéronautique navale.
En mars 1955, après une première affectation au Maroc, le jeune Tabarly est envoyé en guerre d’Indochine pour servir à la BAN Tan-Son-Nhut. Il y effectue environ 1000 heures de vol avant de rentrer au pays en 1956 pour entre autres amorcer la réparation de son Pen Duick qui n’avait plus navigué depuis 1947.
La carène du voilier étant devenue irréparable, Éric demande au chantier Costantini de l’utiliser comme moule afin de fabriquer une nouvelle coque en utilisant la stratification polyester. Grâce à cette technologie révolutionnaire, qui n’en était qu’à ses balbutiements à cette époque, Pen Duick navigue à nouveau, au printemps 1959.
Les premiers exploits d’Éric Tabarly en mer
Entre 1960 et 1963, Éric Tabarly enchaine alors les participations dans des régates anglaises du Royal Ocean Racing Club (RORC) telles que le Fastnet, la Channel Race et Cowes-Dinard.
Sa grande passion pour la course au large fait qu’il a en ligne de mire la course transatlantique en solitaire de 1964. Aidé par les architectes Gilles et Marc Costantini, il fait spécialement construire le Pen Duick II et remporte la course en 27 jours et 3 heures, devant le champion sortant Francis Chichester, le 18 juin 1964. La victoire est saluée par tout le peuple français et permet à l’intrépide navigateur d’être nommé Chevalier de la Légion d’Honneur par le général De Gaulle.
Quand il n’était pas à la barre, Éric Tabarly imaginait et dessinait de nouveaux bateaux. Il avait en lui une vision remarquable de la modernité. Chacun des modèles Pen Duick, qu’il a successivement conçus au cours de sa carrière, représentait à leur manière une avancée technologique.
S’il a réussi à remporter la fameuse transat avec Pen Duick II, il faut toutefois noter que le monocoque Pen Duick III, lancé en 1967, sera le plus titré de la série avec des victoires dans des régates comme Channel Race, Fastnet, Gotland Race, Morgan Cup, Plymouth-La Rochelle et Sydney-Hobart.
Les triomphes et les records du talentueux navigateur
En 1968, il pulvérise le record Canaries-Les Antilles à bord du Pen Duick IV, en 10 jours et 12 heures. En 1969, il propulse son Pen Duick V à la première place du podium de la transpacifique San Francisco-Tokyo, avec 11 jours d’avance sur le deuxième. En 1971, c’est de nouveau à la barre du Pen Duick III qu’Éric remporte de prestigieuses régates telles que Le Cap-Rio de Janeiro, Falmouth-Gibraltar et la Middle Sea Race (Tour de Malte). L’année suivante, toujours sur Pen Duick III, il sort victorieux du Los Angeles-Tahiti, puis de l’étape Sydney-Hobart comptant pour le tour du monde en équipage.
Rien ne semble pouvoir arrêter Tabarly qui enchaine les courses victorieuses en remportant notamment Les Bermudes-Plymouth en 1974, sur son Pen Duick VI. Un ketch en aluminium de 22 m de long que le navigateur français conduira également vers d’autres triomphes, dont ceux du Triangle Atlantique de 1975 et de la Transat en solitaire de 1976.
Sa soif de record et sa recherche constante d’idées nouvelles en matière de navigation font qu’il commande en 1979 la fabrication d’un trimaran muni de foils : le Paul-Ricard. Durant l’été 1980, celui-ci surpasse le record de la traversée de l’Atlantique en équipage que le navigateur écossais Charlie Barr avait établi en 1905 avec la goélette Atlantic.
Ainsi, à travers le Paul-Ricard, Éric Tabarly a aussi été le pionnier de l’utilisation de la technique des foils dans la navigation hauturière. Dans ce trimaran, les plans porteurs permettent à la coque d’avoir une sortie fluide de l’eau et la vitesse du bateau est favorisée par la diminution de la résistance de frottement.
Tabarly, une légende de la navigation
Le navigateur d’exception qu’est Tabarly a donc construit sa légende sur tous les océans de la planète. Pendant ses dernières années, il a surtout effectué des croisières en Méditerranée, près des cotes bretonnes et dans la mer des Caraïbes.
Lors de la Whitbread Round the World Race 1993/1994, il est cependant sollicité pour remplacer Daniel Mallé à la barre du voilier La Poste et permet à l’équipage de gagner trois étapes. La dernière grande course que le marin légendaire remporte est la transat Jacques Vabre de 1997, durant laquelle il fait équipe avec Yves Parlier, sur Aquitaine Innovations.
Comme pour boucler la boucle, le premier Pen Duick d’Éric Tabarly a aussi été le bateau de ses derniers jours. C’est en naviguant à bord de son bateau fétiche qu’il a disparu en mer le 12 juin 1998, alors qu’il se rendait en Écosse pour participer à des régates organisées en hommage à l’architecte naval William Fife.
Le monde se souvient d’Éric Tabarly comme l’un des plus célèbres des marins et des sportifs français. Fait Commandeur de la Légion d’Honneur à titre posthume, cette figure emblématique de la navigation mondiale vivait à fond sa passion pour la régate et était très appréciée pour sa simplicité. Il a notamment formé de nombreux grands skippers, dont Olivier de Kersauson, Éric Loizeau, Michel Desjoyeaux, ou encore Jean Le Cam. Un très beau documentaire réalisé par Pierre Marcel lui a été consacré en 2008.
Images : Wikipédia.